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Interview du photographe Dingo

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Dingo, un surnom donné par des copains de « colos » quand il était gamin parce qu’il était différent, dans son « truc », avec un autre regard sur le monde et vu que sur cette planète, quand on ne vous comprend pas on vous colle une étiquette, celle de ce photographe de génie fût Dingo. Pour lui, il s’agissait davantage du copain de Mickey, sympa et la tête dans la lune. Pour être sympa il l’est ce dingo-là, avec deux qualités rares : l’humilité et l’écoute.

Homme de Presse, journaliste et photographe spécialisé dans la mise en scène de machines qui nous transportent de la naissance à la mort : les voitures, sans oublier les motos dont il est un adepte, Dingo a lancé une dizaine de magazines, « shooté « près d’un millier de modèles, féminins pour la plupart, usé des kilomètres de pellicules argentiques avant de saturer des centaines de cartes-mémoire. L’homme aux 6 millions de déclenchements d’obturateurs nous a accordé un peu de son temps, pour un zoom sur son travail d’artiste, focus sur une référence de la photographie et de l’automobile, méconnu du grand public mais reconnu par ses pairs et dont les clichés saturés et parfaitement mis en scène représentent une signature unique.

Dingo-portrait-1 Dingo, une référence incontournable dans le milieu auto et moto

D’où vient le pseudo Dingo ?

Ça remonte à la « colo », jeune gamin de 10 ans j’étais en décalage. J’ai toujours été différent des autres, dans ma façon de penser et les gens quand ils ne vous comprennent pas, ils vous mettent dans une catégorie donc on m’appelait Dingo. Je suis resté comme ça. Quand j’ai fait ma première pige pour Auto Verte en 1979 avec Michel Guegan, j’ai signé par mon vrai nom et on m’a dit « Bah non, faut signer Dingo » et c’est resté !

Et il faut être un peu fêlé pour laisser passer la lumière, c’est ce que je pense.

Dingo-portrait-2         Un prisme et un regard qui humanisent des mises en scènes motorisées

Vous ne communiquez jamais sous votre nom ?

Non, tout le monde me connaît en tant que DINGO, ceux qui m’écrivent avec mon vrai nom, ça arrive dans ma boîte de spams. Une fois, un agent dans la pub m’a dit de changer, ça n’a pas marché. Et Dingo c’est gentil. Attention au départ c’était l’allusion au chien de Disney pour moi, tête en l’air et sympa, pour moi c’était ça, certains m’appelle PIPO, le nom DINGO en italien d’ailleurs. Parce que j’étais décalé et distrait.

A quel moment avez-vous commencé la photo ?

A 10 ans. J’avais demandé un appareil Brownie de chez Kodak avec une poigné flash à côté, ça faisait pro, je voulais absolument ça et faire des images décalées avec mes cousins, lunettes qui volaient tenues avec des fils de pêche, nanas qui pissaient debout à côté de mecs, ce genre de clichés.

Dingo-2 Dingo-UNE

Votre premier « shooting » pro ?

C’était en 1972/73 au Perreux où j’habitais. Il y avait une revue communale, je bossais pour eux, j’étais content de faire des photos, mais mon premier vrai shooting payé c’était pour Auto Verte en 78 avec une mise en scène pour ma première photo : un pique-nique en plein autoroute sur la bande d’arrêt d’urgence.

Vous êtes plutôt moto ou auto ?

Ma première passion c’est la moto, je suis resté motard, je roule chaque jour en moto, en plus d’un gros scooter. Depuis mon permis en 1976 je roule en moto, il faut vraiment qu’il neige pour ne pas là prendre. J’ai une voiture et des Trafic pour bosser. Je ne roule pas en auto dans Paris.

Dingo-3 On connaît Dingo pour la photo auto et moto, vous n’avez pas envie de faire autre chose ?

A mes débuts, j’étais dans une école de photo en tant que D.A (Directeur Artistique ndlr) : je me demandais : « qu’est-ce que je peux faire ? ». J’ai observé, me suis dit « pourquoi je n’allierais pas la mode à l’auto ? ». J’ai toujours mis l’humain au centre des choses, une voiture : qui la conçoit ? Un homme, des femmes, designers …bref des êtres humains et c’est ce qui m’intéressait.

Ce qui me plaît dans l’auto c’est ce qu’on fait avec. Pour accoucher, une femme va à la maternité en voiture, quand on est mort c’est encore une auto qui transporte le cercueil, la voiture est présente à toutes étapes de la vie. C’est plein de souvenirs une auto : engueulades, certains y font l’amour, c’est ça qui m’intéresse, raconter des « storytellings », raconter une histoire, rien d’autre, la voiture importe peu, l’histoire oui.

Aujourd’hui il y a 2 types d’images : la photo esthétique et celle qui raconte une histoire. Dans l’histoire il y a plusieurs façons de faire, j’étais à l’émergence des images qui racontent une histoire.

Dingo-11 Dingo-4

Pour vous, la Presse magazine a-t-elle un avenir ?

Je pense qu’il y aura toujours des niches. Le papier avait la possibilité de s’accrocher grâce aux posters qu’on accrochait aux murs de nos chambres. Aujourd’hui je pense qu’il y a la place pour les deux : le net plus le papier.

J’ai fait partie de l’équipe de lancement d’Auto Plus avec Eric Bath. Le magazine arrivait avec une nouvelle approche, pour faire un magazine qui marche aujourd’hui il faut innover, avoir un ton décalé, être différent. Prenez la revue Moto Heroes ; ça marche ! C’est bien fait, y’a de la pub, ils surfent sur le néo-rétro c’est vrai mais c’est un beau et bon produit. Pourtant la moto a connu une grosse crise avant tout le monde.

Dans le milieu de la moto, Moto Heroes est perçu comme nouveau et apportant un plus. C’est la preuve qu’il y a matière à faire quelque chose dans ce milieu. J’ai monté Auto Plus, Rétroviseur, proposé d’habiller les gens comme à l’époque, Option Auto avec Michel Guegan, j’ai constaté que pour lancer un « mag », il faut avoir un pied dedans et avoir un regard extérieur.

J’ai fait 18 ans de Presse, jusqu’à 12 couvertures de magazines par mois. Malheureusement aujourd’hui tout se ressemble, il faut se donner les moyens d’être différent. ce qu’il faut c’est susciter l’intérêt, une différenciation. Ce qui marche, ce sont les concepts différents.

Quand j’ai commencé dans la presse en 1979 y’avait 29 revues, quand j’ai quitté ce milieu il y en avait plus de 100, en plus d’internet, ça divise autant les lecteurs. Mais l’auto fait encore rêver, on le voit avec le dernier Mondial de l’Auto qui a battu des records (1 253 513 visiteurs, le Mondial de l’Auto de Paris conserve sa place de premier salon automobile au monde ndlr).

Quand j’étais sur le Mondial, j’écoutais les gens : ils ont les yeux qui brillent, ça les fait rêver, c’est là le mécanisme de la réussite pour un magazine ; partir du rêve, donner envie, faire un truc bien et neuf en face, se remettre en question. Beaucoup en France restent sur les acquis.

Option auto a fêté son 30e anniversaire, ils ont toujours un angle différent. La recette : faire rêver et emmener les gens dans d’autres univers.

Dingo-1 Dingo-6

Depuis quelques temps vous n’arrêtez pas !?

C’est la saison qui veut ça. Avant on travaillait toute l’année, maintenant c’est surtout 1 mois avant Genève (pour le salon de l’auto qui a lieu en mars chaque année ndlr) et après juin, juillet, août et septembre, y’a des arrêts, les produits ne sont pas toujours prêts, avant c’était toute l’année. Ce qui oblige à trouver autre chose à côté pour moi. Comment je ne sais pas mais il faudrait peut-être repartir sur d’autres bases.

Aujourd’hui il faut faire plusieurs métiers pour s’en sortir et avancer, c’est ça le secret.

Le passé a-t-il de l’avenir ?

Aujourd’hui il n’y a pas d’avenir, le présent c’est la difficulté, financièrement c’est dur. Il reste quoi ? Le passé. Il rassure, le passé il ne va pas vous rouler, vous embobiner. Chez les collectionneurs, qui sont des passionnés, gentils comme tout, on ressent ça. Quand quelqu’un achète sa première voiture en ancienne ? C’est souvent celle de leur père, grand père, il y a un rapport affectif et émotionnel. A l’époque, ils ont eu des souvenirs avec cette auto. Ne pas oublier ça. Le rappel du passé donne un côté rassurant.

Amazon ouvre son premier magasin aux Etats-Unis, retour comme avant, c’est marrant, en fait ce sont des cycles tout ça. Le papier aura toujours une place, ça touchera un potentiel différent, internet se consulte plus vite, on zappe très vite, c’est différent du papier et complémentaire.

Pour revenir à la Presse magazine, le papier doit être court pour intéresser les gens, mais y’a de la place pour les deux. J’ai eu jusqu’à 65 abonnements à des magazines, aujourd’hui c’est beaucoup moins, j’en achète, mais moins. Capital est bien fait, 01 net, Sport auto, Psychologies, parce que c’est bien foutu…Je ne prends plus d’abonnement. Au quotidien l’essentiel de mon intérêt est sur le net, Facebook est génial, pas pour les amis mais pour la découverte des territoires.

Si vous n’êtes pas dans l’intérêt que vous suscitez, rien ne peut marcher, il ne faut pas que se faire plaisir, il faut susciter l’intérêt.

Dingo : argentique ou numérique ?

100% numérique, y’a pas d’argentique. C’est un faux débat. Il n’y a plus de labo argentique, aujourd’hui il y a une telle qualité avec le numérique. L’argentique, c’est le passé, c’était génial, mais révolu. C’est un peu comme le vinyle ce débat, à Paris il n’y a plus qu’un labo contre beaucoup plus auparavant.

J’ai eu la chance de connaître la chambre, de travailler à la 4X5 sur des pubs, j’ai eu la chance de faire du moyen format, du petit format, pellicule 120, 24X36, faut vivre tout ça sur l’instant, en vintage, un jour une diapo originale, ça vaudra très chère.

Le type qui vendra un original en diapo pourra le vendre cher. Un 4X5 original sans retouche, ça vaudra sûrement des sous, c’est ça l’avenir. Un support actuel est dématérialisé dans une banque de données, pas la diapo. Je suis certain que la diapo vaudra de l’argent.

Dans 20 ans il y aura une cote de diapos originales. Une diapositive 24×36 avec support carton, une date, originale, ça vaudra des sous. Ca ne coutera pas le prix d’un tableau mais ça vaudra cher. Ce qu’on a loupé avec les plaques de verre il ne faut pas le rater avec la diapo.

Dingo-9 Dingo-10

Vous êtes plutôt dans le passé ou le présent ?

J’aime le passé, les motos anciennes, autos anciennes, mais il faut vivre avec le présent.

Dans mon travail, je ne suis entouré que de jeunes, dans mes équipes les gens ont maxi 26/27 ans, toujours jeunes, ils s’intéressent aux techniques de vidéo, c’est important sinon vous mourrez. Il faut vivre avec son époque !

Dingo-équipe Dingo et son équipe sur un « shooting »

CD ou Vinyle ?

Téléchargement ! Je suis fou de musique. J’ai 3000 vinyles, 2000 CD mais je télécharge beaucoup sur iTunes. Dans les CD y’avait un support sympa en papier comme pour les vinyles, mais faut vivre le moment. Ma démarche, c’est de se remettre en question en permanence. J’ai acheté beaucoup de vinyles parce qu’ils avaient un support papier génial, je faisais donc travailler les photographes.

Etes-vous quelqu’un de nostalgique ?

Oui bien sûr, j’adore des styles de musique anciens, mais je vis avec mon temps. Le passé est important parce que le passé/présent/futur sont liés. Je suis nostalgique mais je vis dans mon époque.

J’ai connu les 70’s : qu’est-ce qu’on se faisait chier ! Jusqu’à la fin des 70’s dans les boîtes on s’emmerdait, la drogue était apparente, omniprésente mais on se faisait chier, il y a avait également des difficultés. Le fait de dire que le passé était meilleur c’est un leurre, tout à fait illusoire.

Ce qui est positif s’est de se rappeler les bons moments comme voyager en voiture avec son père, mais le présent est indispensable, il faut vivre le présent.

Pour ceux qui veulent mieux connaître votre travail, comment font-ils ? Y a-t-il un livre reprenant l’ensemble de vos photographies ?

J’ai publié « 10 ans de tôle » il y a 25 ans (un collector ndlr) : un livre dans lequel j’étais en prisonnier, mais la symbolique c’était les voitures. L’éditeur avait fait faillite, je n’ai pas été payé et je n’ai pas récupéré mes originaux. Derrière, je n’ai jamais voulu refaire un bouquin. J’ai été récemment contacté pour une expo, j’aimerais bien qu’elle soit itinérante, dans un camion qui irait dans les villages mais pour connaître mon travail le mieux c’est d’aller sur mon site.

10-ans-de-tôle-dingo « 10 ans de tôle » l’unique recueil de photos de Dingo à ce jour ! Un collector ..

Pour le livre j’ai eu des propositions mais j’ai refusé, parce que je suis resté sur un échec, malgré une exposition qu’on avait faite à la piscine Deligny (une piscine flottante amarrée au Quai Anatole France dans le 7e arrondissement parisien, elle a coulé le 8 juillet 1993 ndlr) et qui a été un succès. A cette exposition, on avait fait plus de 2 000 entrées la soirée d’inauguration, c’était une exposition superbe, il y avait des sirènes qui nageaient, des cabines avec des photos tirées du livre et un éclairage spécial par cabine, ce serait dur de faire mieux.

Dingo, vous avez eu la gentillesse de nous fournir quelques photos que vous avez réalisées dans les années 80, pour nos lecteurs. Quelques mots à leur sujet ?

Sur les photos que je vous ai adressées, tout est vrai, il n’y a pas de retouches. Les photos ce sont de vraies voitures, retournées parfois, même les camions : c’est un montage à l’ancienne. Les terrains de tennis sont vrais, photographiés de haut à hauteur des camions, la femme qui soulève un essieu, il y a juste une chaîne pour le trucage. La scène du billard : le billard est vrai, il n’y a rien de rajouté, c’est une vraie photo. Pour la caravane qui roule : c’est une véritable action, tout était attaché pour ne pas bouger, sur le cliché de l’auto-école : la voiture est vraiment retournée il n’y a pas de trucage là non plus.

Un dernier point, très important : l’humour. C’est quelque chose de difficile à faire passer, en une photo, l’humour doit passer en moins de 3 secondes.

Galeries de photos fournies par Dingo, un florilège vintage des 80’s :

galerie1dingo galerie2dingo galeriedingo3 Crédit photo : toutes les images de cet article ont été réalisées par DINGO – Diffusion avec son aimable autorisation. Pour mieux connaître le travail de DINGO rendez-vous directement sur son site en cliquant ici.

3 Commentaires

3 Comments

  1. Flo du Blog Cars Passion

    23/01/2016 at 0h48

    Super artiste photographe Dingo, une source d’inspiration, et je passe des heures à contempler ses oeuvres ! Il est fou Dingo 😉

  2. Jean-Louis VIEL

    10/07/2018 at 21h23

    Un bonheur que d’acheter un magazine en 70/ 80 et de trouver SES PHOTOS !
    J’ai son livre , bien sur !

    • Philippe Pillon

      11/07/2018 at 6h17

      Un collector Jean-Louis ! Conservez précieusement ce « 10 ans de tôle » 🙂

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