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Dieudonné : du succès au bannissement, à quand la fin du bashing ?
Ah, Dieudonné. Si vous êtes fan d’humour, difficile de ne pas connaître ce nom. Une carrière aussi brillante que controversée, un talent comique indéniable, mais aussi une trajectoire pleine de rebondissements dignes d’un mauvais scénario de série télé. D’un duo hilarant avec Élie Semoun à des salles de spectacles bannissant son entrée, il incarne l’exemple parfait de l’artiste qui a glissé sur la peau de banane de l’humour… en tombant dans une piscine de polémiques. Reprenons depuis le début, là où tout a commencé : un jour, Dieudonné était juste un type marrant.
Les débuts et le duo mythique avec Élie Semoun
Dieudonné Mbala Mbala voit le jour en 1966 à Fontenay-aux-Roses, fils d’un père camerounais et d’une mère bretonne. Un mélange explosif pour un futur humoriste, pas étonnant qu’il ait eu du matériel pour ses sketchs ! Il se fait connaître dans les années 90 en formant un duo légendaire avec Élie Semoun. Ensemble, ils enchaînent les spectacles hilarants et gagnent les cœurs du public avec des personnages aussi déjantés que le raciste basique, l’intellectuel coincé ou encore le chef de chantier. Le duo fonctionne à merveille : l’un (Semoun) petit et timide, l’autre (Dieudonné) grand et provocateur. Leur chimie est parfaite, et ils deviennent rapidement des stars de la scène comique française.
Mais comme tous les bons duos, les choses finissent par déraper. En 1997, ils se séparent pour des raisons artistiques (et probablement peut-être aussi pour ne pas se taper dessus). Si Élie continue dans le registre du gentil humoriste, Dieudonné prend un chemin… disons, différent.
Le sketch qui a tout fait basculer
Et c’est là que tout a changé. Le 1er décembre 2003, Dieudonné fait un sketch à la télévision dans l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde » animée par Marc Olivier Fogiel et avec Jamel Debbouze comme invité. Dans ce numéro, il parodie un colon israélien extrémiste, déguisé en juif orthodoxe, levant le bras pour faire un salut qui ne passe pas du tout en fin de sketch. Mais alors là, vraiment pas. Ce sketch, vu comme une provocation antisémite, va marquer le début de la descente aux enfers pour l’humoriste. Ce qui devait être une critique satirique (et maladroite) de la politique israélienne s’est rapidement transformé en un tourbillon de polémiques. Sans ce bras levé, le sketch de Dieudonné n’aurait pas suscité les réactions qu’il a levé, malgré les propos de l’humoriste, en proposant aux jeunes des cités de “rejoindre l’axe du bien américano-sioniste”, qui leur offrira “beaucoup de débouchés, beaucoup de bonheur et la possibilité de vivre encore un peu”.
Dieudonné se retrouve alors en première ligne des accusations de racisme et d’antisémitisme. La presse s’emballe, les plateaux télé se remplissent de débats acharnés, et les associations dénoncent cet humour jugé nauséabond. Le monde du spectacle lui tourne le dos, et l’humoriste devient persona non grata dans de nombreux théâtres et salles de spectacles.
Bannissements et dérapages en série
Après cet épisode, Dieudonné ne fait pas dans la demi-mesure. Au lieu de calmer le jeu, il enchaîne les provocations, en assumant une posture de plus en plus controversée. Il se lie avec des figures connues pour leur antisémitisme, comme l’historien révisionniste Robert Faurisson, qu’il invite même sur scène lors d’un de ses spectacles, provoquant de nouveaux tollés.
Les interdictions de jouer pleuvent. Les mairies annulent ses spectacles, les juges ordonnent la fermeture de salles où il devait se produire. À partir de 2009, plusieurs de ses spectacles sont jugés illégaux pour incitation à la haine, et Dieudonné est régulièrement condamné par la justice. Si certains voient en lui un défenseur de la liberté d’expression, d’autres le qualifient de fauteur de troubles, voire pire. En 2014, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, prend des mesures pour interdire ses spectacles, et la fameuse « quenelle » (geste controversé popularisé par l’humoriste) devient un sujet de débats sans fin.
Un succès toujours présent malgré tout
Alors oui, Dieudonné est banni de la plupart des salles en France. Oui, il est interdit de scène depuis ce qui semble être une éternité. Mais paradoxalement, plus il est banni, plus ses fans sont fidèles. Il rencontre un succès fulgurant, notamment sur Internet, où il diffuse ses spectacles de manière indépendante. Ses vidéos sont visionnées par des millions de personnes (4,3 millions d’internautes ont suivi son droit de réponse sur la chaîne You Tube “Legend” début septembre 2024), et il continue de remplir des salles… mais à l’étranger ! Suisse, Belgique, pays d’Afrique francophone, Dieudonné continue de jouer là où on l’autorise encore. En France, il se produit dans un bus, dans des champs, ou sur scène en partageant l’affiche avec l’imitateur (talentueux) Djamel Kaibou.
Ses fans le considèrent comme un martyr de la liberté d’expression, un homme qui ose dire ce que d’autres taisent. Dieudonné, quant à lui, continue de se moquer de l’establishment, des médias et des politiques, restant fidèle à son personnage de provocateur. Ses détracteurs, en revanche, pointent du doigt un homme qui, selon eux, a franchi les limites de l’humour pour se perdre dans une dérive dangereuse.
Les excuses
Dieudonné décide de publier un texte présentant ses excuses à la communauté juive. André Darmon, créateur et directeur du journal Israël Magazine lui offre cette possibilité le 9 janvier 2023.
Dans ce texte intitulé “Je demande pardon”, l’humoriste précise : “Je tiens à demander pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive, avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère”. Avant de rajouter : “C’est vrai, j’ai parfois été trop loin et fais preuve d’outrances, de provocations déplacées. Pour toutes ces fautes et excès, je demande pardon. Mon ambition était de faire rire tout le monde, et la communauté juive fait partie de mon monde. Je n’ai pas réussi à la faire rire, et je le regrette”.
Enfin, Dieudonné conclut par ces quelques mots : “Je ne me cherche aucune excuse, aucune circonstance atténuante car nul n’en a lorsqu’il peut constater qu’il a nui à son prochain.”
Et dans une seconde lettre publiée le 17 janvier 2023 toujours sur Israël Magazine, l’humoriste précise : “Je veux me cantonner à mon rôle d’humoriste”.
Un message de rédemption sincère pour certains, calculé pour d’autres qui voient dans cette démarche le moyen, pour Dieudonné, de retrouver de grandes salles de spectacles afin de s’y produire. André Darmon de son côté lui, indiquait le 9 janvier 2023 : “Il faut donner sa chance à quelqu’un qui veut se repentir”. Il serait temps, en effet, après 21 ans de mise à l’index, de procès et d’interdictions en tous genres, de laisser Dieudonné Mbala Mbala exercer son métier d’humoriste, simplement. Charge à ceux qui ne l’aiment pas de ne pas se rendre à ses spectacles.
Parce qu’il y a une chose que tout le monde, même ses plus grands critiques, peut reconnaître à Dieudonné : il ne laisse personne indifférent. Cela fait des années, trop d’années, qu’il n’a pas le droit de monter sur une scène en France, et pourtant, il reste une figure incontournable de la scène humoristique française. Son talent n’est jamais remis en question, mais ses prises de position ont fait de lui un artiste controversé, souvent banni, mais jamais oublié.
Au final, que l’on soit fan ou non, il est difficile de nier l’impact culturel de Dieudonné. Et même si les scènes françaises lui sont fermées pour le moment, son influence continue de résonner… que ce soit par son humour ou par ses controverses. Alors, en attendant un éventuel retour sous les feux des projecteurs (si ça arrive un jour), Dieudonné reste cet humoriste interdit qu’on regarde quand même, souvent en cachette, un peu comme une vieille plaisanterie qu’on sait ne pas être tout à fait correcte… mais qu’on ne peut s’empêcher d’écouter.
Crédit photo : Réseau Voltaire© – wikimedia – Licence Creative Commons.
Fondateur du site MONSIEUR VINTAGE le 14 février 2014, Philippe est issu de la presse écrite automobile : Auto Plus, Sport Auto, Auto Journal, Décision Auto, La Revue Automobile et La Centrale. Il collabore également au magazine EDGAR comme responsable de la rubrique auto/moto.
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