Vintage, les 110 ans d'Alfa Romeo : épisode 3
Alfa Romeo célèbre ses 110 ans cette année et dans le cadre de cet anniversaire exceptionnel, la marque italienne nous fait revivre les moments marquants de son histoire. Après l’épisode 1 où nous évoquions la 24 HP et l’épisode 2 centré sur la 6C 1750, voici l’épisode 3, axé sur la 6C 2500, complètement vintage tout ça !
Symbole d’une époque
Au printemps 1949, lorsque la 6C 2500 carrossée par Touring fait son apparition à Cernobbio au concours de la Villa d’Este, tout le monde devine qu’elle remportera la plus haute récompense. Son originalité et ses lignes uniques étaient si impressionnantes qu’il était dès lors apparu naturel de l’honorer du nom du plus important concours d’élégance au monde.
Mais le modèle 6C 2500 Villa d’Este n’était pas seulement un sommet en termes de beauté. Cette voiture représentait le dernier opus pour la Marque en matière de créations artisanales et de sur mesure, alors même que l’entreprise se tournait vers une organisation productive résolument moderne.
Un ingénieur de Trévise à l’expérience internationale
Mais revenons une décennie en arrière. Lors du lancement de la 6C 2500 en 1939, l’usine du Portello était déjà dirigée depuis six ans par l’ingénieur Ugo Gobbato, qui avait apporté à Alfa Romeo sa vaste expérience sur le plan industriel. Il avait été diplômé en Allemagne puis successivement en charge de nombreuses activités chez Marelli et au Lingotto à Turin, avant de devenir l’un des principaux créateurs du projet « champs verts » dédié à la construction de la première grande usine de roulements à billes en Union soviétique.
Homme pragmatique et souvent présent dans les ateliers, Gobbato discutait régulièrement avec ses équipes et essayait toujours obstinément de comprendre comment améliorer l’efficience de la production. Dès son arrivée, son premier objectif a été d’identifier tout ce qui pouvait provoquer une qualité insuffisante : machines défectueuses ou « usine manquant d’harmonie » avec trop de « mouvements inutiles de matériaux ». Sur la base de ce diagnostic, Gobbato a lancé sa cure. Il exposa ses méthodes dans deux manuels publiés en 1932, sous le titre « L’organisation des facteurs de production ».
Une production rationnelle
Il s’est consacré à la théorie et à la réalisation d’une synthèse bien structurée entre un système de fabrication moderne et les avantages de la tradition artisanale qui avait jusque-là caractérisé Alfa Romeo.
« Une production rationnelle mais pas une production de masse », tel était l’objectif recherché, principalement grâce à l’embauche d’une nouvelle génération de jeunes ingénieurs. Et avec eux, la mise en œuvre d’une série de nouvelles règles et méthodes modernes. Parmi ses actions, citons la mise en place d’une hiérarchie plus clairement établie, des responsabilités précises pour chacun ou des échelles de salaires revues.
Un jeune talent prometteur
Entre autres effets de cette vaste réorganisation du Portello, un terrain de football avait été aménagé dans une zone adjacente, ainsi qu’une piste d’athlétisme et une petite tribune.
En 1938, l’équipe de l’entreprise, nommée Gruppo Calcio Alfa Romeo, allait remporter le championnat régional et être promue en division C. En conséquence, l’équipe décidait d’engager un jeune joueur prometteur, qui avait également été attiré par la perspective d’un emploi permanent de mécanicien au Portello. Son nom : Valentino Mazzola. Il allait devenir plus tard capitaine de l’équipe nationale italienne et de la légendaire équipe du « Grande Torino ».
La 6C 2500
Directement issue des précédentes 6C 2300 et 2300B, le 6C 2500 a bénéficié de plusieurs innovations techniques importantes, comme les suspensions arrière à barres de torsion avec amortisseurs télescopiques ou les freins hydrauliques. Ses performances étaient encore plus brillantes et la voiture plus agile : la 6C 2500 en version Super Sport atteignait 110 chevaux pour une vitesse de 170 km/h. Elle fit brillamment ses débuts en course en remportant la course Tobrouk-Tripoli en 1939 avec une carrosserie « à ailes élargies » qui intégrait les pare-chocs à la carrosserie.
L’équivalent de 1200 Fiat 508
Une fois encore, réussite technique et succès sportifs permirent d’attirer une clientèle d’élite. La production des châssis commença avec les versions Turismo, à cinq ou sept places, ou Sport et Super Sport à empattement court. Malgré le prix élevé (de 62 000 à 96 000 lires), les réactions furent très positives, se transformant en succès en termes de chiffre d’affaires : les 159 unités vendues ont en effet rapporté l’équivalent de 1200 voitures Fiat 508 Balilla de l’époque.
Le retour de la 6C
Après la Seconde Guerre mondiale, les usines ont dû être reconverties de la production de guerre aux activités civiles. L’usine du Portello avait été gravement endommagée suite aux bombardements de 1943 et 1944 (voir photo plus haut)). Tout recommencer était un défi complexe et impliquait presque inévitablement la relance du dernier modèle lancé par l’entreprise, d’autant plus que diverses pièces mécaniques de 6C 2500 avaient survécu.
En 1945, il n’avait été possible d’assembler qu’une poignée de 6C 2500 Sport. Mais les techniciens et les ouvriers les regardaient comme dans un rêve. Outre l’usine du Portello, Milan et de nombreuses autres villes italiennes étaient en ruines et l’économie du pays également : les entreprises devaient acheter les matériaux et les carburants nécessaires à leurs usines directement au marché noir.
La 6C 2500 Pinin Farina Speciale Cabriolet spécial
En 1946, la production atteignit 146 unités, entre les voitures finies et les châssis envoyés aux carrossiers. L’un de ces derniers fut transformé en cabriolet et transporté à Paris pour le Salon de l’Automobile. Mais en tant que pays vaincu, l’Italie était exclue de l’événement… et donc, le carrossier entreprit de garer sa voiture devant l’entrée du Grand Palais et de l’emmener tous les soirs sur la place de l’Opéra. Cela allait suffire pour assurer le succès à la voiture et à son créateur, Battista “Pinin” Farina.
Toujours en 1946, l’originale version Freccia d’Oro fut intégralement construite sur un châssis Sport par l’usine Portello (photo ci-dessus). Elle comportait un arrière court et arrondi qui reflétait les derniers développements en matière d’aérodynamique. Le modèle allait continuer d’inspirer de nombreuses autres versions ambitieuses. Pinin Farina allait créer un élégant coupé aux lignes révolutionnaires et une berlinetta primée au Concours d’élégance à Cernobbio. Achille Castoldi, le champion du bateau à moteur, acheta un coupé signé Touring et utilisa pour le Salon de Genève la même tactique que Farina à Paris.
Un modèle pour VIP
Tyrone Power a conduit son Alfa Romeo 6C 2500 à travers la ville de Rome, Juan Peron et sa femme Evita en voulaient une pour se montrer à Milan. Ce modèle avait été acquis par des noms célèbres tels le roi Farouk d’Égypte et le Prince Rainier III de Monaco. Le 27 mai 1949, lorsque Rita Hayworth arrive pour épouser le prince Ali Khan à la mairie de Cannes, elle est au volant d’une 6C 2500 qu’elle venait de recevoir en cadeau de mariage. Cet élégant modèle gris avec capote bleu foncé disposait d’un revêtement intérieur parfaitement coordonné aux vêtements de la mariée.
À l’origine, le mariage était prévu pour début mai, mais il avait été reporté en raison de la tragédie aérienne de Superga, où toute l’équipe de football du « Grande Torino » avait péri. Le Prince était un fervent supporter de l’équipe de football de Turin. En ce sens, cela nous ramène à 1939 et à la naissance de la première 6C 2500 au Portello, là où travaillait le jeune alors inconnu Valentino Mazzola.
La 6C 2500 SS Coupé Villa d’Este
Avec la Villa d’Este, nous parlons ici d’une des plus belles créations en matière automobile. La 6C 2500 SS « Villa d’Este » a été l’une des dernières Alfa Romeo à être construite avec un châssis porteur séparé de la carrosserie. Seuls 36 exemplaires ont été produits, tous des créations uniques, suivant les désirs de leur propriétaire et l’inspiration de leur carrossier.
Partant du Coupé 6C 2500 SS, construit par sa propre entreprise de carrosserie, le dirigeant de Touring Bianchi Anderloni introduisit plusieurs changements majeurs : l’avant avait été repensé, avec les quatre phares mieux intégrés à la carrosserie et l’ajout de deux ouïes de refroidissement allongées superposées. Les ailes étaient intégrées à la carrosserie mais encore clairement marquées. Le pare-brise était divisé en deux parties et incliné. L’arrière, très bas et prononcé, intégrait deux petits phares ronds élégants clairement visibles. À n’en pas douter, un véritable chef-d’œuvre de l’art automobile du XXe siècle était né.
Lors de l’édition 1949 du Concours d’élégance de la Villa d’Este, cette voiture allait remporter le « Grand Prix Référendum », prix décerné directement par le public, liant à jamais son nom à l’événement qui l’a consacrée.
Crédit photo : Alfa Romeo©
Créateur de MonsieurVintage, Philippe est un passionné de belles mécaniques, de voyages et d’objets qui ont une âme. À travers son regard, chaque moto, voiture ou destination raconte une histoire, dans une quête d’authenticité et d’élégance intemporelle.
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